Comme la main est souvent sujette aux traumatismes et aux blessures, elle représente également un terrain propice pour les infections. C’est par exemple le cas du phlegmon de doigt, une infection bactérienne qui s’attaque particulièrement à la gaine des tendons fléchisseurs des doigts.
Il s’agit d’une pathologie grave qui nécessite une prise en charge rapide et souvent chirurgicale. En cas de négligence ou de retard de traitements, on peut s’attendre à une nécrose totale du tendon et une amputation doit être effectuée.
Découvrez tout ce qu’il y a à retenir sur le phlegmon de doigt dans cet article.
Qu’est-ce qu’un phlegmon de doigt ?
Le terme « phlegmon » découle du mot grec « phlégo », qui signifie « je brûle ».
En médecine, le phlegmon du doigt est un genre d’infection bactérienne grave. Elle touche la gaine synoviale qui recouvre les tendons fléchisseurs des doigts avant de se propager dans tout le doigt, et éventuellement remonter jusqu’au poignet.
On parle aussi d’une ténosynovite infectieuse de la gaine qui compose les tendons fléchisseurs.
Il est important de faire la différence entre le phlegmon des doigts et les autres infections qui peuvent survenir dans cette région du corps. On peut notamment le confondre avec des pathologies fréquentes, telles que les panaris et les arthrites infectieuses.

Sachez toutefois que les panaris correspondent à des infections survenant généralement sur le pourtour d’un ongle (périonychium). Par contre, les arthrites sont des infections graves qui se développent précisément au sein d’une articulation de la main.
Le mécanisme de l’infection
Pour mieux comprendre la maladie, un rappel anatomique se révèle souvent nécessaire.
Les tendons fléchisseurs permettent le fléchissement des doigts. Ils coulissent à l’intérieur de la gaine synoviale. Cette dernière est essentielle au glissement des tendons durant les mouvements de doigt et aussi à leur nutrition.

Un phlegmon est susceptible de toucher les gaines synoviales de différents doigts. Cela comprend :
- la gaine cubitale qui engobe le tendon de l’auriculaire ;
- les gaines digitales qui renferment les tendons individuels des doigts longs et moyens (annulaire, majeur et index) ;
- la gaine radiale (digitocarpienne) qui contient le tendon fléchisseur du pouce.
La membrane des gaines synoviales a la particularité d’être étanche et à la fois fermée à leurs extrémités. C’est pourquoi toute inoculation de germes dans les doigts peut conduire à une diffusion d’infection le long de la gaine.
Les causes
La contamination qui se produit lors de cette ténosynovite infectieuse des doigts peut se faire de manière indirecte. Elle peut être secondaire à la diffusion, lors du contact de la gaine avec un foyer infectieux voisin, tel qu’un panaris.
Elle peut également être directe via une piqûre, une morsure, une griffure ou une plaie mal soignée, et se présenter comme une infection brutale.

Dans des cas plus rares, la contamination est hématogène. L’infection des doigts apparaît de manière progressive via la diffusion d’une autre infection depuis une autre zone du corps. La pathologie atteint alors la gaine synoviale par l’intermédiaire de la circulation sanguine. Cela peut se produire notamment lors d’une infection génitale à gonocoque.
De nombreuses bactéries sont à l’origine d’un phlegmon au niveau des doigts. Par ordre d’importance, on peut distinguer les staphylocoques, et plus spécifiquement les staphylocoques dorés (50 % des cas). Il y a ensuite les streptocoques, les pasteurellas (suite à la morsure d’animaux domestiques) et les mycobactéries.
Dans 25 % de tous les cas de phlegmon de doigts, diverses bactéries sont généralement impliquées.
Les symptômes
Un phlegmon de doigt peut apparaître plus ou moins rapidement après la contamination par un germe.
Il suffit de quelques heures à quelques jours pour que la personne ressente une douleur au niveau du trajet de la gaine. La sensation de douleur peut aussi survenir dans la paume de la main et irradier jusqu’au pli de son poignet.

Il y ensuite gonflement de doigt infecté ce qui réduit les mobilités de ce dernier et aussi de la main. Le phénomène peut s’accompagner d’une sensation désagréable lorsque le doigt est tendu.
Dans une forme de phlegmon plus évolué, on observe des symptômes plus sévères :
- le doigt reste en crochet (position semi-fléchie, avec impossibilité de le tendre ;
- des ganglions gonflés apparaissent ;
- le patient fait l’objet d’une fièvre de douleurs pulsatiles dans les doigts qui le réveillent la nuit ;
- un œdème généralisé du doigt (éventuellement de la main) surgit.
Toutefois, si le doigt concerné est l’auriculaire ou le pouce, d’autres symptômes peuvent évoquer la présence d’un cas de phlegmon. Il peut notamment s’agir de douleurs lors de la palpation de la base du poignet.
Le phlegmon du doigt évolue en 3 phases distinctives.
- Le stade 1 ou « synoviale exsudative » : étape durant laquelle un liquide abondant et clair est sécrété par la membrane.
- Le stade 2 ou « synoviale purulente » : le liquide synovial devient trouble. Le doigt reste alors en crochet même si le tendon est encore intact.
- Le stade 3 (rare): nécrose du tendon. Elle est susceptible de conduire à la rupture.
Comment se passe la prise en charge du phlegmon des doigts ?
Le phlegmon du doigt nécessite généralement une prise en charge chirurgicale. L’acte doit se faire le plus précocement. Il sera suivi d’une antibiothérapie qui devra être adéquate au germe isolé.
Le diagnostic
Le diagnostic du phlegmon des doigts commence par un examen clinique. Le médecin traitant se renseigne sur la cause possible de l’infection et évalue les symptômes du patient. Il vérifie notamment la présence de douleurs pulsatiles survenant durant la nuit.

Pendant la consultation clinique, le médecin traitant demande aussi au patient si son vaccin antitétanique est bien à jour. C’est aussi l’occasion de vérifier si le patient suit des traitements spécifiques et/ou présente des facteurs de risques capables d’aggraver l’infection.
En effet, le phlegmon peut s’aggraver en cas de :
- alcoolisme ;
- tabagisme ;
- toxicomanie ;
- diabète ;
- maladies pouvant impliquer un déficit immunitaire (les cancers ou le sida par exemple) ;
- traitements immunosuppresseurs (diminuant l’activité immunitaire de l’organisme).
En complément, une échographie et une radiographie pourront aussi s’effectuer. Ils sont utiles pour étudier l’état des tendons et des os des doigts. Ils aident à détecter toute présence de corps étranger métallique.
Par ailleurs, une analyse biologique (prise de sang) sera également prescrite. Elle permet de déterminer la bactérie à l’origine de l’infection.
Une prise de sang peut être effectuée au préalable, puis un prélèvement du liquide synovial lors de l’intervention chirurgicale. Toutefois, l’identification de la bactérie responsable d’un phlegmon n’est possible que dans 15 % des cas constatés.
Le traitement
Les phlegmons des gaines constituent une véritable urgence chirurgicale. Cela s’explique par le fait que le fonctionnement du doigt et de la main soit sérieusement compromis dans cette situation.
Certaines personnes optent pour des traitements naturels (comme des compresses chaudes, du miel, des huiles essentielles, etc.). Mais il faut savoir que ces traitements fonctionnent davantage dans les cas de panaris, qui sont moins graves que les phlegmons.

En moins de 24 heures, plusieurs lésions irréversibles peuvent se manifester suite à un phlegmon du doigt, d’où la nécessité de cette prise en charge immédiate par acte chirurgical.
Le traitement comprend également dans certains cas une prise d’antibiotiques adaptée au germe identifié lors de l’analyse biologique (sous forme orale ou perfusion). À cela s’ajoute une rééducation fonctionnelle.
La chirurgie
La chirurgie des phlegmons de la main répond à différents objectifs.
Elle permet de soulager la douleur, d’éviter l’aggravation de la pathologie, de réparer les lésions éventuelles et d’éviter l’infection.
L’acte consistera à retirer tous les tissus nécrosés et inflammatoires (trajet de l’infection). Cela s’effectue par le lavage abondant de la gaine, avec un sérum physiologique, après une ou plusieurs incisions.
Si la porte d’entrée de l’infection est retrouvée ou que le phlegmon est en stade avancé, le nettoyage (ou synovectomie) s’accompagne d’une excision du tendon.
Il est à noter que, quelle que soit l’ampleur de l’infection, diverses techniques chirurgicales peuvent être proposées par le chirurgien. Elles sont généralement précisées durant la consultation préopératoire.
Avant la chirurgie
Toute opération chirurgicale exige une véritable préparation, variable en fonction de chaque patient. La personne traitée devra suivre l’ensemble des recommandations fournies par le chirurgien, et l’anesthésiste. Un report de l’intervention est à prévoir en cas de non-respect de ces prescriptions.
Avant l’intervention, l’anesthésiste examine le patient et lui pose les questions d’usage [traitements éventuels et état de santé général].
Si aucun signe d’infection n’est constaté au niveau du bras, le professionnel pourra lui proposer une anesthésie locorégionale. Toutefois, l’anesthésie générale est généralement privilégiée pour tout cas de phlegmon.
Pendant la chirurgie
Durant l’opération, le chirurgien procède à l’excision de l’ensemble du trajet de l’infection en bloc.
Le mode opératoire varie en fonction du stade de la pathologie.
- Pour un phlegmon de stade 1, le chirurgien réalise un abord proximal dans le cul-de-sac pour effectuer un prélèvement et permettre le lavage de la gaine synoviale du tendon. En cas de pus dans la gaine, une ouverture complète du doigt est possible afin de retirer toutes les zones nécrosées ou infectées.
- Pour un phlegmon de stade 2, on procède par une ouverture du doigt sur toute la longueur suivie d’une synovectomie complète. Plusieurs lavages sont réalisés dans le respect de la continuité mécanique des poulies. Enfin, on réalise une fermeture partielle pour laisser un accès vers le site contaminé.
- Pour un phlegmon de stade 3, l’opération consiste en une résection complète ou partielle des tendons. En cas de nécessité, les médecins préconisent une cicatrisation dirigée ultérieure ou l’utilisation de lambeaux locaux.
L’intervention est souvent pratiquée en ambulatoire.
Après la chirurgie
Une fois le traitement chirurgical réalisé, le chirurgien peut prescrire une antibiothérapie complémentaire selon le germe retrouvé et la gravité de la lésion. Le patient doit également réaliser systématiquement un pansement.
Pour ce qui est de la rééducation, les modalités dépendent de la disponibilité de l’individu opéré, du type de suture et de l’étendue de la partie contaminée.
Il en est de même pour l’arrêt maladie qui sera adapté en fonction de l’évolution de la condition, et de la nature du métier du patient atteint de phlegmon.
Les suites opératoires d’une phlegmon des doigts
Après l’acte chirurgical, un suivi régulier est nécessaire. Le patient doit refaire son pansement tous les 2 jours ou tous les jours. Le chirurgien doit également surveiller étroitement le doigt opéré, un contrôle accompagné de bains antiseptiques. Ces derniers seront utiles pour prévenir toute nouvelle infection ou toute complication (ischémie ; septicémie, extension locale de l’infection…).

Évolution habituelle de la plaie
Suite à l’opération, la plaie du patient peut toujours saigner. Cela peut imbiber le pansement, d’où le besoin de le renforcer à l’aide de bandages et de compresses.
Du côté physiologique, le patient peut souffrir de raideur important des doigts. Une rééducation précoce en postopératoire est souvent prescrite durant plusieurs mois et avant la fin de la cicatrisation de la plaie.
La raideur peut aussi être réduite grâce à un massage quotidien des cicatrices.
Toutefois, si l’infection traitée est accompagnée d’une destruction totale des tendons, des chirurgies palliatives sont proposées en complément.
Cicatrisation
Les incisions cutanées constituent des zones de faiblesse, mais également des portes d’entrée possibles pour d’autres infections. Une bonne hygiène locale est alors indispensable pour garantir la bonne cicatrisation de la plaie.
Une cicatrice rouge, chaude ou avec une surélévation peut signifier la présence d’un abcès ou d’un hématome.
Il est possible également de constater une désunion de la peau (normal dans ce cas de figure). Toutefois, si celle-ci est profonde ou si le patient ressent une sensation de craquement profond, la plaie doit obligatoirement être examinée par le chirurgien.
Pour optimiser le processus de cicatrisation, le patient doit bien s’alimenter et éviter la consommation de tabac (favorisant le ralentissement de la cicatrisation). L’exposition solaire directe est aussi à éviter pour des raisons esthétiques.
Complications et séquelles
L’évolution du traitement d’un phlegmon du doigt est favorable si l’intervention a été effectuée de façon précoce.
Une infection déjà importante peut conduire à différentes complications postopératoires telles :

- la poursuite du phénomène infectieux (virulence du germe) ;
- l’enraidissement du doigt (apparition d’adhérences entre le tendon fléchisseur et les tissus proches).
En fonction de l’ampleur de la complication, il faut souvent réenvisager une opération chirurgicale et une synovectomie. À ces démarches s’ajoute une ténolyse, un acte chirurgical libérant les tendons des tissus en adhérence (4 mois à 6 mois après la 1re intervention), ou une amputation du doigt dans les cas les plus graves.
Quelle rééducation suite à un phlegmon de doigt ?
Suite à la chirurgie, une rééducation peut être nécessaire pour aider à restaurer la fonction du doigt. Plus précisément, l’objectif principal sera de prévenir la raideur.
Souvent guidée par un kinésithérapeute (physiothérapeute) ou ergothérapeute, et prescrite par le chirurgien, la rééducation comprend généralement les éléments suivants :
- Exercices : Une fois qu’il a eu le feu vert du spécialiste, le thérapeute prescrira des exercices progressifs visant le rétablissement de la fonction du doigt. Plus précisément, il utilisera des exercices de force, de mobilité et de dextérité visant la reprise des activités.
- Mobilisation des tissus : En plus des exercices, il est possible d’utiliser des techniques de mobilisation pour aider à assouplir et à libérer les tissus (par exemple, une cicatrice). Cela peut améliorer la mobilité du doigt, prévenir les adhérences et réduire la douleur.
- Gestion de la douleur : Des techniques telles que la thérapie par la chaleur ou par le froid, les bains contrastes, l’électrothérapie ou les massages peuvent être utilisées pour gérer la douleur pendant la rééducation.
- Éducation : Un aspect important de la rééducation est de comprendre comment éviter les futures blessures ou infections. Cela peut inclure l’apprentissage de la manière correcte de prendre soin de votre doigt, de faire certains mouvements ou activités, ou de reconnaître les signes d’une infection potentielle.
Le plan de rééducation sera toujours individualisé en fonction des besoins spécifiques du besoin.